Chroniques Matheysines - Bérenger 1° partie

Ci dessous Bérenger, un texte écrit par AlbanK

Les nuages ont couvert notre monde d'en bas. Notre monde d'en bas est tout recouvert. On ne peut pus voir ni soucis, ni peines... Alors, on est obligé de relever les yeux et notre monde véritable apparaît. J. Giono

Bérenger, Bérenger!

Sacré Bérenger, quel coquin tu fais. Tu files entre mes jambes, tu glisses contre mes cuisses d’hommes. Là-bas, tu sautes de rochers en rochers, tu fais le gros dos, tu éclabousses d’écumes, myriade d’étincelles d’eau, éclatante folie.
Plus loin, tu passes sous le pont, à La Chapelle en Valjouffrey, tu rejaillis plus fort, tonitruant. Plus bas encore, en aval, tu iras engrosser la Bonne de tes furies, de tes truites, de tes galets lisses comme des corps adolescents …
Il y a longtemps que j’ai oublié ma voiture derrière moi, lentement je remonte ton cours, par cette vallée docile, étroite et boisée.
J’ai pris le Chemin du Facteur et je marche vers Valsenestre.
Toi, tu en profites pour te faire remarquer, tout est prétexte à l’amusement, aux bruits, aux éclats de rires !
Partout, tu tortilles, tu gigotes, tu ébroues ton gros corps de serpent.
Tu vas mordre les berges, ici, tu arraches quelques mottes d’herbe folle, là, tu griffes les rochers, plus loin, tu tords les racines d’un pin trop imprudent.
Et ce bruit, ce bruit Bérenger, tous ces tambours, tu ne cesseras donc jamais ?
En sortant du bois, avant d’atteindre le plateau, je te retrouve encore, égal à toi-même. Tu gonfles ton dos de gros matou et tu t’élances, tu te précipites vers le Valjouffrey.
A Valsenestre, il a fallu élargir ton lit, tellement tu faisais de misères à ces maigres pâtures.
Et la place que tu as submergée, et le pont que tu as emporté, qu’as-tu à dire pour ta défense? Rien bien sûr, Bérenger, tu n’as décidément aucun respect !
Autour de moi, là, je peux nommer chaque sommet, chaque combe, chaque bois. Je les connais tous et tous me connaissent. Je les appelle, ils accourent, mes anges :
Arcanier! Le voilà qui pointe son nez, je sens déjà l’odeur usée des pierres sèches…
Combe Oursière! Et la forêt s’ébroue, se soulève, secoue ses écailles d’épines.J adis, descendant du ciel, une avalanche courut dans cette pente et rasa la moitié du hameau, jusqu’à la chapelle, m’sieur dame, jusqu’à la chapelle. Le souvenir des familles d’ours hante encore les clairières…
Fontaine Julliane, Ruisseau des Gorges, Cascade des Verts !Tiens, vous voici, je vous entends!Vous bondissez jusqu’à ne former qu’un torrent qui viendra bientôt se mêler à la sarabande de Bérenger.
Romeïou! Ah, te voilà, tu ne t’es pas fait prier toi non plus, d’ailleurs, tu n’es pas venu seul : Tête de Chétives, Cros du Faillet, Signal du Lauvitel, vous vous haussez le col, cachant entre vos mains de vent le Labarre promis…
Alfrey, Combe Guyon, Pas de l’Aiguille…
Après le Pont du Moulin, je prends pied sur le minuscule plateau de Valsenestre, alors se dresse enfin devant moi la muraille de rêve: Aiguille des Marmes, Pointe de l’Aillot et ma sublime Pointe Swan…
Voilà la Tour Meryem, Henriette, Marguerite, Pyramide de Pierre (et oui, la tienne Pierre), Brèche Gaillard et bientôt, dans son écrin de solitude, La Muzelle adorée…
La pluie de toutes les tempêtes, la fonte de toutes les neiges, névés, glaciers, tous rus, ruisseaux, sources, tous se jettent dans ton lit.
Toutes les eaux du Valsenestre prennent alors le même prénom : Bérenger.
J’arrive au hameau où m’attendent, je le sais, l’omelette au lard et la danse du vin dans la carafe, là, au gîte.
J’ai remonté le cours du Bérenger jusqu’à la source de mes premiers bonheurs alpestres.
Me voici à Valsenestre, sur la place. J’y étais déjà il y a bientôt trente ans.
A suivre ...
Avec mes remerciements à l'auteur et néanmoins ami, AlbanK

Commentaires

Flo73 a dit…
Excellentissime comme la deuxième partie qui vient de sortir.
Superbe!!
Va falloir que je lui demande un autographe à l'auteur, avant que celui-ci ne les négocie à des prix prohibitifs.