Chroniques Matheysines - Bérenger 2° partie

La suite d'une série de nouvelles écrites par mon ami AlbanK:

Papillon,, petit Papillon...
T'en souvient-il ?


« Nathalie !
Comme un chant…
Nathalie ??
Sourire …
Nathalie !!! »

La voici.
Assise sur les pierres, dans le tumulte du torrent.
La voici qui sourit, qui se retourne, qui se lève enfin, comme le jour.
Elle est debout déjà, elle s’est tournée vers lui.
Tous deux.
Adolescenfants …

Et leurs regards se croisent et se trouvent et se cherchent à nouveau.

Lui, les cheveux en bataille, haletant de sa course, l’imbécile heureux.
Les voilà réunis, et l’eau, l’eau, l’eau qui triomphe encore.

Aux lointains, d’autres bruits, d’autres cris encore, amusés ou farouches.
Jeux.
Gaîté.
Folie.
Le jour rageur s’enfuit et la pénombre grignote obstinément les pans verticaux de la Pointe Swan, loin là-bas, au dessus d’eux.

Plus loin, les flammes jaillissent aux feux du camp.
Eux sont ensemble, face à face.
Il la regarde.
Etoile brune aux yeux de braise.
Déjà je sais qu’il l’aime.
Le soir se blotti à leur pieds.
Epuisée, la forêt repose.

Cœurs tambours, cœurs tendres, cœurs battants.
Un pas vers elle, un pas encore et puis ce geste, ton sourire et ta voix.
Nathalie.




« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans … »
On ne l’est guère plus à quatorze ou à quinze.
Ce collège Matheysin, « Les Trois Saules », il recevait tous les gosses des contrées alentours, même au plus profond des vallées, on les débusquait.
Ca se mélangeait tout, joyeusement, dans la cour, les couloirs et les salles.

De partout ils affluaient les mômes, des fins fonds noirs du Plateau, des montagnes effarantes, des forêts solitaires, des bleds incroyables.
Ils s’empilaient dans les cubes verts du collège « Les Trois saules », les jeunes, de la sixième A à la troisième D.

En juin, Monsieur Emery, émérite professeur de technologie rassemblait quelques classes de quatrième et de troisième, et, accompagné d’une poignée de volontaires embarquait ce petit monde en « stage montagne».

La montagne, en Matheysine, c’est un peu comme une coutume locale.
Tous les jours on l’a devant le nez, alors pensez-vous …
Les Herzog, Terray, Gervasuti et autres Desmaisons ou Perroux avaient traîné leurs godasses dans ces hauteurs qui sont les nôtres.

Peyroux, plus longtemps que les autres, et depuis plus longtemps aussi.
On parlait de lui comme d’un voisin, d’un autre Matheysin des vertiges, dans le juste sillage des Arthaud et des Faure…
Perroux, il avait tout réinventé chez nous, même et surtout la manière de regarder l’eau, en hiver, de l’approcher et de la dompter lorsque, chandelle de glace devenue, les torrents des Ecrins illuminaient les plus profonds de nos fantasmes verticaux…
C’était pour nous un pur.

Les Ecrins …
Les Ecrins, c’était son truc à l’ Emery et comme on avait qu’à tendre la main, on se retrouvait tous embarqué, ni une ni deux, dans l’aventure des cimes.

On y apprenait tout, dans ces stages montagnes.
Ecole d’escalade, école de rappel, école de nœuds, école de vol, de col, de val, de mont …
En dix jours, on avait tout ingurgité, avalé, assimilé.

Plus de secrets pour nous.

D’autant qu’avec un pareil zèbre, on avait tout intérêt à vite comprendre, sa devise au père Emery : « ça passe ou … ça passe »
Il avait fait les paras, tout s’expliquât…
C’était néanmoins un type formidable d’humanité.

Le camp de toiles était dressé à Valsenestre, dans les prés, un peu au dessus du parking.
On était là comme des coq en pâte.
Le soir, après le rata, des discussions sans fin, des rires, des chants, guitares, flammes hautes, montagnes, nuit, bonheur.

C’était mieux que les camps du Père Bonnet, notre bon curé Rouge, ces fameux camps d’amitié, « les Franches et les Francs camarades »…
Pourtant, déjà dans Les Ecrins, et c’était quelque chose !

Mais depuis, on avait grandi et la trouble nous gagnait en regardant les filles.
Valérie, Béatrice, Myriam, Rachel ou d’autres …
Et bien sûr, Nathalie.

Elle était d’ici Nathalie, de ces vallées heureuses bercées de soleil et de vent.
Les Angelas, Chantelouve, le Périer, peu importe.

Sa chevelure ténébreuse sentait l’air libre, l’herbe couchée aux amants enlacés et cette qualité particulière des journées d’automne aux pluies silencieuses.

Nous nous battons pour cette ivresse.
Jusqu’à la mort parfois, jusqu’à la mort, assurément.

Nathalie, souple roseau, souffrances à venir, caresses offertes, mots interdits, à peine murmurés, en secret.
Alcôve de ta bouche aux fruits de tes lèvres, au collier de tes bras, au nid tendre et troublant de ta gorge, lisse et longue aux langueurs assassines.

Nathalie, au piège de tes jambes, à la plaine blanche et nue de ton ventre, à tes pieds de racines dans les mousses d’avant les hommes, des sous-bois aux sorcières, des clairières aux condamnés, des amants sacrifiés.

Nathalie, aux mots de Barbares, aux poisons délicieux, à l’acceptation du malheur souriant.
Toison-onde noire.
Canines-cimetaire.
Nuque-précipice.
Reins-promesses.
Royaume illuminé où ma désespérance s’immolât aux volcans de ta chair.

Nathalie,
Je me souviens de vous."

Précédente nouvelle:
http://colasdesfrancs.blogspot.com/2007/03/chroniques-mathyesines-brenger-1-partie.html

La suite très bientôt (juste après les élections...)

Commentaires