Vous trouverez ci-dessous un texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales ( IRES), Pierre Volovitch. Ce texte date un peu mais répond à pas mal de questions que certains se posent sur le "trou de la Sécu". Et à mon avis il est toujours d'actualité.
Pierre VOLOVITCH
Octobre 2005 (première version)
Janvier 2006 (version actuelle)
Circule depuis quelques mois sur internet un argumentaire qui explique qu’il n’y a pas de « trou de la Sécu ».
Si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est que les comptes de la sécurité sociale sont illisibles car ils sont le résultat de manipulations diverses et variées de la part de l’Etat en fonction de ses besoins de trésorerie ils ont raison. Oui, chaque année (en fonction d’un principe qui est celui de « l’annualité budgétaire ») l’Etat peut décider que telle recette fiscale, sur le tabac, l’alcool, les taxes d’assurances… qui l’an dernier était affectée à la CNAM sera cette année affectée à la CNAF, ou au fonds de solidarité vieillesse, ou au compte d’un autre régime de sécurité sociale ou d’une des nombreuses structures plus ou moins autonomes qui se baladent dans le secteur. Et cette décision l’Etat pour la prendre pour la totalité de la recette ou pour une fraction de la recette (20%, 30%…) ce qui permet de rendre la chose encore moins lisible. Oui la complexité et l’obscurité des comptes posent un vrai problème démocratique.
Si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est que le trou est le résultat d’un choix politique ils ont encore raison. On peut (techniquement) décider d’augmenter la CSG, les cotisations patronales (avec la même assiette ou en changeant d’assiette), créer une taxe nouvelle ou affecter une ancienne à la Sécu. Le déficit auquel on arrive est évidemment un affichage qui résulte d’un choix. Il n’y a ici aucune fatalité. Mais ce qui devient intéressant ici c’est de comprendre pourquoi ce choix là est fait et pas un autre.
Mais si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est qu’il n’y a pas de problème de financement de la protection sociale alors ça devient curieux. La protection sociale est financée très largement, et certains d’entre nous y tiennent avec juste raison, sur la base de la partie de la richesse nationale qui va au travail. Or le chômage et les politiques menées depuis une vingtaine d’année ont réduit de manière importante la part de la richesse nationale qui va au travail (salaires et cotisations sociale). Cette réduction n’aurait aucun impact sur le financement de la protection sociale ? 30 ans de crise et de politiques néo-libérales et la question du financement de la protection sociale pourraient se résoudre par des modifications de circuits financiers ?
Mais si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est qu’il suffit de remettre des sous dans la machine pour que tout aille bien alors là c’est carrément scandaleux. 60 ans après la mise en place de l’assurance maladie en France les inégalités sociales de santé demeurent. Les écarts de durée de vie entre ouvrier et cadres ré-augmentent. L’état sanitaire des dents des enfants est à ce point lié à la catégorie sociale de leur père qu’il suffit d’ouvrir la bouche d’un gamin pour connaître, à partir du nombre de carie, l’occupation professionnelle de son père. L’obésité monte partout, mais elle est dix fois plus importante pour les enfants d’ouvriers que pour les enfants de cadre. Et pour résoudre ces problèmes il suffirait de remettre de l’argent dans le système sans se poser la question de l’organisation même du système. On a augmenté les tarifs de consultations des toubibs, ça faisait de la dépense en plus, en quoi cet argent dépensé en plus permettait-il d’améliorer le fonctionnement du système de soins ? Les dépenses de soins ont ces dernières années augmentées à des rythmes supérieurs à 4% par an, 6% certaines années, alors que les plus optimistes en matière de croissance espèrent atteindre 2.5% ou 3%. L’évolution des dépenses de santé ne poserait aucune question ?
Pour imposer sa réforme Douste Blazy a dramatisé en dehors de toute proportion un déficit largement construit par des décisions politiques du gouvernement auquel il appartenait. Parler du déficit était le moyen de ne pas parler des vraies questions qui sont comment organiser mieux notre système de soins, comment en particulier l’organiser pour que les inégalités sociales de santé diminue. Ce qui suppose de se poser des questions sur le mode et le niveau de rémunération des professionnels, sur les règles de leur installation, sur le contenu de leur formation…
Les auteurs de l’argumentaire qui prétend qu’il n’y a pas de déficit en se focalisant sur le déficit tombent dans le panneau de Douste Blazy. Ils deviennent des spécialistes de la lecture des tuyauteries, il est vrai assez démentes, du financement de l’assurance maladie. Remontent les tuyaux dans l’autre sens et finissent par s’auto-persuader qu’il n’y a aucun problème. Pas de question à se poser sur le partage de la richesse nationale, pas de question à se poser sur l’organisation du système de soins, pas des questions à se poser sur les professionnels du soin, juste une taxe sur le tabac à déplacer, un retard de paiement à apurer… Nous sommes réellement au fond du trou.
Si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est que les comptes de la sécurité sociale sont illisibles car ils sont le résultat de manipulations diverses et variées de la part de l’Etat en fonction de ses besoins de trésorerie ils ont raison. Oui, chaque année (en fonction d’un principe qui est celui de « l’annualité budgétaire ») l’Etat peut décider que telle recette fiscale, sur le tabac, l’alcool, les taxes d’assurances… qui l’an dernier était affectée à la CNAM sera cette année affectée à la CNAF, ou au fonds de solidarité vieillesse, ou au compte d’un autre régime de sécurité sociale ou d’une des nombreuses structures plus ou moins autonomes qui se baladent dans le secteur. Et cette décision l’Etat pour la prendre pour la totalité de la recette ou pour une fraction de la recette (20%, 30%…) ce qui permet de rendre la chose encore moins lisible. Oui la complexité et l’obscurité des comptes posent un vrai problème démocratique.
Si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est que le trou est le résultat d’un choix politique ils ont encore raison. On peut (techniquement) décider d’augmenter la CSG, les cotisations patronales (avec la même assiette ou en changeant d’assiette), créer une taxe nouvelle ou affecter une ancienne à la Sécu. Le déficit auquel on arrive est évidemment un affichage qui résulte d’un choix. Il n’y a ici aucune fatalité. Mais ce qui devient intéressant ici c’est de comprendre pourquoi ce choix là est fait et pas un autre.
Mais si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est qu’il n’y a pas de problème de financement de la protection sociale alors ça devient curieux. La protection sociale est financée très largement, et certains d’entre nous y tiennent avec juste raison, sur la base de la partie de la richesse nationale qui va au travail. Or le chômage et les politiques menées depuis une vingtaine d’année ont réduit de manière importante la part de la richesse nationale qui va au travail (salaires et cotisations sociale). Cette réduction n’aurait aucun impact sur le financement de la protection sociale ? 30 ans de crise et de politiques néo-libérales et la question du financement de la protection sociale pourraient se résoudre par des modifications de circuits financiers ?
Mais si ce que veulent dire les auteurs de cet argumentaire c’est qu’il suffit de remettre des sous dans la machine pour que tout aille bien alors là c’est carrément scandaleux. 60 ans après la mise en place de l’assurance maladie en France les inégalités sociales de santé demeurent. Les écarts de durée de vie entre ouvrier et cadres ré-augmentent. L’état sanitaire des dents des enfants est à ce point lié à la catégorie sociale de leur père qu’il suffit d’ouvrir la bouche d’un gamin pour connaître, à partir du nombre de carie, l’occupation professionnelle de son père. L’obésité monte partout, mais elle est dix fois plus importante pour les enfants d’ouvriers que pour les enfants de cadre. Et pour résoudre ces problèmes il suffirait de remettre de l’argent dans le système sans se poser la question de l’organisation même du système. On a augmenté les tarifs de consultations des toubibs, ça faisait de la dépense en plus, en quoi cet argent dépensé en plus permettait-il d’améliorer le fonctionnement du système de soins ? Les dépenses de soins ont ces dernières années augmentées à des rythmes supérieurs à 4% par an, 6% certaines années, alors que les plus optimistes en matière de croissance espèrent atteindre 2.5% ou 3%. L’évolution des dépenses de santé ne poserait aucune question ?
Pour imposer sa réforme Douste Blazy a dramatisé en dehors de toute proportion un déficit largement construit par des décisions politiques du gouvernement auquel il appartenait. Parler du déficit était le moyen de ne pas parler des vraies questions qui sont comment organiser mieux notre système de soins, comment en particulier l’organiser pour que les inégalités sociales de santé diminue. Ce qui suppose de se poser des questions sur le mode et le niveau de rémunération des professionnels, sur les règles de leur installation, sur le contenu de leur formation…
Les auteurs de l’argumentaire qui prétend qu’il n’y a pas de déficit en se focalisant sur le déficit tombent dans le panneau de Douste Blazy. Ils deviennent des spécialistes de la lecture des tuyauteries, il est vrai assez démentes, du financement de l’assurance maladie. Remontent les tuyaux dans l’autre sens et finissent par s’auto-persuader qu’il n’y a aucun problème. Pas de question à se poser sur le partage de la richesse nationale, pas de question à se poser sur l’organisation du système de soins, pas des questions à se poser sur les professionnels du soin, juste une taxe sur le tabac à déplacer, un retard de paiement à apurer… Nous sommes réellement au fond du trou.
Pierre VOLOVITCH
Octobre 2005 (première version)
Janvier 2006 (version actuelle)
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