Les communs

Le prix Nobel d'économie récompense cette année des chercheurs qui n'ont pas une approche libérale ou néo-classique. C'est assez rare pour le signaler: est-ce un signe des temps? Une des deux théories - celle des "biens communs" développée par Elinor Ostrom – s’intéresse aux «communs », qu’ils soient constitués par des ressources (nappes phréatiques, alpage ou littoral par exemple) et ou un bien collectif à gérer (réseaux d’irrigation, patrimoine historique…). Dans les deux cas, il s'agit pour une communauté donnée de les maintenir en état afin de les transmettre à d’autres sans les épuiser.

Au jour le jour, des décisions prises collectivement guident les choix des gestionnaires. De fait, les communs sont indissociables de la communauté qui a adopté des règles de gouvernance pour atteindre son but. Historiquement, il s’agissait par exemple de champs communaux où chaque paysan faisait paître ses bêtes à tour de rôle. Un étang de pêche, une réserve de chasse ou un réseau de sentiers de randonnée en sont des illustrations plus récentes. On trouve des exemples beaucoup plus d’actualité comme le site web collaboratif Wikipedia ou les logiciels libres, fruits d’une intelligence collective, quasiment impossible sans un fonctionnement en réseau. C’est aussi une source d’apprentissage de la coopération ou de la mutualisation des moyens et des connaissances. La conservation en l’état de ces communs – ou même leur développement dès lors qu’il y a une utilité sociale- suppose une acceptation d’un travail collectif et l’adoption de règles de gouvernance.

On le voit, ces « communs » ne sont pas très loin de ce qu’on connait dans la sphère de l’économie sociale, qu’il s’agisse de coopératives, d’associations ou de mutuelles. La comparaison avec une coopérative de travailleurs (comme les Scop par exemple) parait évidente. Il s’agit ni plus ni moins de conserver un outil de production compétitif. De même, la préoccupation d'une mutuelle d’assurance est de conserver un patrimoine commun (les réserves) à un niveau jugé acceptable par les représentants des sociétaires pour faire face aux risques à venir. Un peu comme ces paysans d’un village, qui devaient veiller à ce que les pâturages communaux permettent de nourrir leurs bêtes pendant une année au moins.

Il nous reste à espérer que ce prix Nobel attirera l’attention sur des modes de gouvernance plus attentifs aux rapports humains, guidés par l’intérêt collectif, et donc par une gestion à long terme. En tout cas, il confirme que ce jury ne consacre plus systématiquement des théories qui font l’apologie de l’intérêt immédiat ou du profit individuel. C’est de bon augure pour les défis qui attendent nos sociétés.

Article initialement écrit pour un site interne de la Macif, puis publié dans le Journal du Palais du 23/11/09.

Pour en savoir plus: http://www.alternatives-economiques.fr/laureats-du-prix---nobel---d-economie-2009---elinor-ostrom-et-olivier-williamson_fr_art_633_44273.html

Commentaires

Raph a dit…
J'aime bcp, comme d'hab, y compris le style. Un plaisir qd j'ai le temps de te lire !
Bonne journée ;-)
Anonyme a dit…
Lire le blog en entier, pretty good